La villa Thérèse de la famille CRONIER (1890-1905)
Nantais ayant fait fortune dans l'industrie du sucre, Ernest CRONIERErnest CRONIER
1840 - 1905
Directeur du Conseil d'Administration des sucreries Say est devenu le fondé de pouvoir d'Henry SAY le directeur de la "Raffinerie de la Jamaïque".
Ensemble ils agrandissent l'empire SAY en achetant de nombreuses raffineries du nord de la France.
Au milieu des années 1880, M. CRONIERErnest CRONIER
1840 - 1905
Directeur du Conseil d'Administration des sucreries Say achète dans le lotissement BENOIT un terrain de plusieurs hectares avec accès à la plage.
Il est au sommet de sa carrière et c'est donc un véritable petit château qu'il demande à l'architecte nantais François BOUGOÜINFrançois BOUGOÜIN
1846 - 1933
Architecte nantais.
Fin des années 1880, une majestueuse villa s'élève face à l'océan, le long du chemin côtier, à quelques pas du port du Pouliguen. Elle est entourée d’un vaste parc et possède des dépendances et écuries situées avenue des Lilas.
Les propriétaires lui donnent le nom de "Thérèse" sans doute en référence à leur benjamine née en 1888.
L'imposante bâtisse considérée comme le plus beau chalet entre le port et l'Hôtel de la Plage ne passe pas inaperçue dans la baie, les villas voisines semblent bien petites à côté d'elle.
Coup de tonnerre à la bourse - La fin tragique du plus gros spéculateur de France
M. CRONIERErnest CRONIER
1840 - 1905
Directeur du Conseil d'Administration des sucreries Say est un excellent économiste et un spéculateur hors-pair. Mais, l'homme de génie n'a pas pu se modérer comme l'écrivent les titres de la presse.
En effet, début 1905, il s'endette lourdement en achetant à prix déjà élévé de grosses quantités de matières premières ; selon lui, le cours du sucre va s'envoler dans les mois à venir car la récolte de bettrave sucrière sera mauvaise.
Malheureusement pour lui, celle-ci est excellente et depuis le mois de mai, le cours du sucre s'effondre suscitant un krack boursier.
Début août, la crise se confirme par la suspension du paiement de plusieurs maisons de courtage en sucre, il prend alors conscience de son erreur et sa situation est plus que délicate.
Le 23 août, il quitte La Baule pour Paris, rencontre des partenaires financiers, négocie auprès des banques mais il réalise qu'il ne peut empêcher l'écroulement de son crédit et qu'il est ruiné.
Le samedi 26, il téléphone à son fils Étienne qui travaille également chez SAY afin de lui demander de revenir à Paris.
Il écrit de nombreuses lettres à des personnes avec lesquelles il était en affaire pour s'excuser des ennuis qui va leur causer. Il n'en poste que 3 : une pour Étienne dans laquelle il lui fait part de sa volonté de se suicider et lui demande de garder le silence autour des causes de sa mort.
Les deux autres missives sont pour son gendre le docteur André BÉCHADE et pour son médecin de famille à qui il donne rendez-vous à 9h00 le dimanche matin.
Le dimanche 27 vers 2h00 du matin, peu après avoir bu le contenu d'une fiole de cyanure de potassium, il se tire une balle de revolver en plein coeur pour échapper au déshonneur.
Pour limiter le scandale d'un suicide et les répercussions à la bourse, le communiqué de la presse indique que M. CRONIER a succombé à une embolie, version qui sera aussi celle télégraphiée à sa veuve restée à La Baule.
La liquidation des biens de la famille CRONIER
À la suite de ce drame, la situation financière de la famille CRONIER est désastreuse. Selon les sources, la somme s'élèverait entre 20 et 30 millions de francs pour certains médias de l'époque et à 200 millions pour d'autres, selon l'entourage du défunt les pertes seraient de 40 millions de francs.
Début septembre, les scellés sont apposés à l'hôtel particulier du 50 rue de Lisbonne à Paris et à la villa Thérèse. Le 6 novembre maître BENOIST, notaire à Guérande fait l'inventaire des biens de la villa balnéaire.
La vente des biens parisiens crée un véritable évènement, on estime que 60 000 amateurs d'art se sont rendus à la Galerie Georges PETIT où étaient exposés les biens avant leur mise en vente des 4 et 5 décembre, le lundi était consacré à la collection de l'École française du XVIIIe siècle (CHARDIN, FRAGONARD, WATTEAU, NATTIER) et le mardi aux porcelaines, sculptures, bronzes, ameublement et tapisseries anciennes des Gobelins et de Beauvais. Le plus gros prix a été le "Billet doux" de FRAGONARD vendu 420 000 francs.
Fin décembre, la cave de M. CRONIER composée de 4 000 bouteilles est vendue à l'hôtel DROUOT dont trois bouteilles de vieux cognac de 1789 ont été adjugées à 420 francs.
La vente de la collection a produit environ 5 millions de francs.
Fin février, la vente de l'hôtel particulier situé rue de Lisbonne est mis en vente pour 946 000 francs, le 17 mars c'est au tour de la villa Thérèse d'être proposée aux enchères à Paris avec une mise à prix de 200 000 francs.
Maîtres BENOIST et GRANIER notaire à Guérande et au Croisic seront en charge de la vente publique du contenu des villas Thérèse et Ker Singes.
- côté meubles : 17 chambres à coucher de maître avec cabinet de toilette, armoires anglaises, commodes, secrétaires, chaises, fauteuils, une salle à manger en pitchpin, deux bibliothèques Henri II, une table financière Louis XV, fauteuils Louis XII, un billard en palissandre, de nombreuses chambres à coucher de domestiques, quantité de linge,
- côté office : meubles de cuisine, batterie de cuisine en cuivre, vaisselle, porcelaine et cristaux, couverts, couteaux, vaisselle d'étain, etc...
- côté décoration : bronzes, tableaux, vases, potiches,
- côté voitures hippomobiles : une grande voiture "Break-Mail" Gauvin, un attelage vis à vis de bains de mer Bedel, une carriole en osier, articles d'écurie,
- côté jardin : bancs, tables, chaises, fauteuils, outils de jardin, des plantes en serre, des palmiers etc... et 15 paons !
- et une cave de plus de 3 000 bouteilles de vins fins et ordinaires.
La villa change de propriétaire et de nom : Thérèse devient Caroline
En mai 1906, le marquis de MONTAIGUMarquis Pierre Augustin Joseph de MONTAIGU
1844 - 1927
Industriel et propriétaire agricole français se porte acquéreur de la villa Thérèse au prix de 151 000 francs ainsi que du yacht de M. CRONIERErnest CRONIER
1840 - 1905
Directeur du Conseil d'Administration des sucreries Say.
En l'honneur de son épouse, il les renomme Caroline.
Jusqu'alors, la famille de MONTAIGU venait en villégiature au Pouliguen dans une villa déjà appelée Caroline et située sur la plage du Nau, près de celle de son ami le comte d'ESGRIGNY. Ces deux villas seront détruites pour faire place au Grand Hôtel (Squelette hôtel) à l'entrée du port.
Sur ce cliché panoramique de la plage du Pouliguen, on peut voir à chaque extrémité les deux villas ayant apartenues à la famille de MONTAIGU.

Les éditeurs de cartes postales actualisent les vues de la villa.
Le nouveau propriétaire commande des travaux d'embellissement ; des balcons en fer forgé et de nouveaux volets viennent alléger la façade de la villa.
M. CRONIERErnest CRONIER
1840 - 1905
Directeur du Conseil d'Administration des sucreries Say possèdait un yacht appelé "La Linotte" dont le port d'attache était Le Pouliguen. Tous les ans, il mettait son bateau à disposition des commissaires des régates du Pouliguen. Rachetée par le marquis, "La Linotte" est repeinte en blanc et rebaptisée "Caroline".
En 1909, le marquis commande aux chantiers DUBIGEON à Nantes un autre bateau qu'il appelle également Caroline. Ce navire sera réquisitionné par l'État lors de la première guerre mondiale et sera armé en patrouilleur sous le nom de Trilby V.
La famille de MONTAIGU partage son temps entre le château de La Bretesche et sa villa de La Baule. Le marquis et son épouse organisent régulièrement de somptueuses fêtes et réceptions face à la mer.
C'est lors d'un séjour à La Baule que le marquis décède le 14 octobre 1927, il était âgé de 83 ans.
Sa fille, la comtesse Élisabeth du LUART hérite de la villa puis, à la fin des années 30, la transmettra à son tour à sa fille, la baronne de WOUTERS.
La propriété a déjà perdu ses dépendances ainsi que la maison du garde
. Une partie du terrain situé allée de la tour rouge est parcellée en 1938.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la villa sert de siège de repli aux tribunaux civil, correctionnel et de commerce de Saint-Nazaire.
En novembre 1955, la villa est restituée suite à la mise en service du nouveau palais de justice de Saint-Nazaire.
La Villa Caroline devient une résidence de vacances
En 1956, l'association des Clercs de Notaires rachète la villa pour la transformer en centre de vacances malgré les recours du Syndicat des propriétaires de la plage Benoit qui s'oppose fortement à ce projet.
La partie centrale de villa est réhaussée, les toits perdent leurs faîtières décoratives ainsi que leurs épis de faîtage à l'exception de celui de la tour arrière.
Côté jardin, l'entrée est agrandie et se dote d'une véranda.
Évolution des intérieurs de la résidence des clercs et employés de notaires.
Villa Caroline aujourd'hui